Chapitre 3 : Marine et ses plans Boys ! boys, boys ! dans le Dévoluy
Ce troisième épisode des bananes 2024 se déroulait dans le Dévoluy. L'équation pour préparer des sorties de pente raide était complexe. L'enneigement avait souffert de Janvril et Févrimai. Il en était terminé des tempêtes de ciel bleu de nos épisodes précédents. Jean-mi, exilé en Italie, s'employait à envoyer des retours d'est comme un bucheron envoie du bois. Alors qu'il venait de tomber un mètre de poudre chez les Italiens, nous devions nous contenter de jouer aux démineurs avec un enneigement largement déficitaire et une limite skiable vers 1500m. Côté météo, un velux de ciel bleu était annoncé pour samedi matin avant que Jean-mi nous eût rebalancé un énième retour d'est. Peut-être aurions-nous dû songer à faire un plat de pâtes bolo en offrande à Jean-mi pour le faire rentrer au pays ?
Nous nous étions décidé à partir le vendredi soir pour profiter des quelques heures clémentes du samedi matin avant l'arrivée du gros temps. Partir le vendredi c'est la course. Il faut se débarrasser de ses activités professionnelles, finir son sac, préparer ses pique-niques, récupérer le camion et merde nous sommes déjà en retard. Aspirée dans ce maelström de préparatifs, Anna se fit éjectée sur le palier de chez elle. La porte de son appartement claqua, la laissant seule sans ses clés ni ses affaires. C'en était fini du Dévoluy pour elle. Pour ce troisième épisode, Marine avait ses boys pour elle toute seule. Elle devenait cheffe et nous devenions ses minions. « La banana ! »
Samedi matin les troupes étaient au taquet. Nous étions sur la route de notre objectif du jour, le couloir de la brèche du pic Ponsin. DJ Ben envoyait des watts de gros son. Tout le monde chantait Barbie girl d'aqua (oui, oui du gros son...) quand Romain me demanda de faire une halte pour vérifier l'enneigement du couloir. Et là, surprise, le couloir était aussi sec que nous le fûmes. Il n'y avait clairement aucun plan B skiable dans cette face ouest, et merde !
Déboussolés, nous remontâmes dans le minibus. Le temps de faire demi-tour, la décision était prise d'aller voir si la traversée héroïque était en condition. Ça turbine du pentium chez les bananes, c'était la préparation de sortie la plus rapide de l'histoire du ski alpi. DJ Ben était toujours aux platines. Le minibus était on fire avec it's raining men de the weather girls.
Arrivés sur le parking, fenêtres ouvertes, le son à fond, DJ Ben était maintenant sur du Boys boys boys de Sabrina. On n'arrête pas DJ Ben ! Un groupe de skieurs en train de s'équiper, nous regardait perplexe. Plus âgés que nous, équipés de baudriers et cordes, ils inspiraient l'expérience. Eux savaient où ils allaient. Nous à l'inverse étions en mode touristes avec notre plan de dernière minute et notre musique à papa (c'est bon Ben, t'es prêt ?). Marine les questionnait sur l'état de la traversée héroïque. C'était leur destination. A priori la traversée était en condition avec quelques pas de mixte au départ. C'était décidé nous irions donc voir si la traversée héroïque était en conditions.
La porte du paradis
Le départ fut efficace, nous étions rodés, test DVA, briefing sur la course, la meute se mit rapidement en mouvement. En dernière position telle une cheffe alpha, Marine faisait claquer son fouet pour faire avancer les derniers d'entre nous. Le temps était compté et le tempo donné en Prestissimo Jornet. Il ne nous manquait plus que des dossards et on se serait cru sur la Grande Trace. L'entrée du chourum n'était déjà plus très loin. A son pied, quel spectacle ! On pouvait voir la lumière de l'autre côté du tunnel. Ce devait être la porte du paradis.
Saint Benoît et son fidèle Youki précédés de M. et Mme Blaireaux
Le groupe du parking démarrait son ascension du chourum pendant que nous mettions nos crampons et nos skis sur nos sacs. Benoît et moi portions les cordes. Nous partîmes les premiers, prêts à poser des moulinettes si besoin. Dès les premiers pas sur le caillou, nous nous retrouvâmes bloqués derrière une personne du groupe du parking. Celle-ci perdait ses crampons. L'idée de les régler avant de s'engager dans le chourum ne lui avait pas traversé l'esprit. Alors qu'elle essayait de les remettre sans prendre la peine de se tenir au rocher, Saint Benoît eu la bonté de la retenir par le sac. Il perdit son gant pour lui sauver la vie. « Youki, va chercher ! » me dit Saint Benoît. Je m'employais à lui ramener son gant tombé cinq mètres plus bas. Toujours retenue par Saint Benoît, Mme Blaireau réglait maintenant son autre crampon. Sa bonté étant sans limites, quelques instants plus tard Saint Benoît prévint M. Blaireau que lui aussi perdait un crampon. Je cherchai la caméra cachée mais je ne la trouvai pas. Cette séquence était bien réelle. Quel spectacle, les showrooms portent bien leur nom.
Le groupe de blaireaux suicidaires déguerpit vite. Nous nous retrouvâmes seuls dans le calme du chourum pour admirer la beauté de cette traversée hors du commun. Maxime, qui réalisait son rêve, vivait un profond moment d'introspection. Dans son rendez-vous en tête à tête avec lui-même il se demandait s'il était plutôt une banane ou une grosse patate. Si vous aussi vous vous posez ce genre de questions, sachez que la montagne apporte des réponses.
Maxime en profonde introspection : Suis-je une grosse Patate ou une Banane ?
A la sortie du chourum, nous étions bien au paradis. Un paradis de blanc et de vent. L'émotion était là, les accolades aussi. Le chourum nous avait fait vibrer sur la même fréquence. C'était notre moment de résonance collective. Le weekend était déjà un succès.
Les Bananes avec la banane
L'arrivée du mauvais temps nous ramena vite les pieds sur terre ou plutôt les pieds sur les lattes. Le sommet du pic de Bure était encore loin, il nous fallait repartir sans trainer. La caravane se remit en route. Le ciel nous tombait peu à peu sur la tête et la visibilité se réduisait de minute en minute. Une partie du groupe perdit l'autre de vue. Le blizzard s'était levé et nous fouettait le visage. Nous nous arrêtâmes un instant à l'abri du seul rocher suffisamment grand pour nous abriter dans cette combe de blanc où ciel et sol se mélangeaient. Il nous fallait choisir entre descendre retrouver la douce chaleur du gîte et le ronronnement de son poêle à bois ou continuer notre ascension aveugle de cette tourmente de glace. Nous étions proches du sommet et de ses célèbres paraboles astronomiques. Notre curiosité l'emporta, nous décidâmes d'aller voir ces fameuses paraboles.
Saint Benoît guidé par sa foi montagnarde nous ouvrait la voie. Elle nous mena miraculeusement à la sortie de la combe (merci iphigénie). A une cinquantaine de mètre plus loin se trouvaient les paraboles. Sur le plateau, le vent était maintenant tellement fort qu'il nous était impossible de lui faire face. Nous peinions à avancer. Chaque pas était une lutte pourtant Saint Benoît marchait toujours vers sa parabole. On commençait à la voir apparaitre au-dessus de sa tête quand Thibaut lui cria : « STOOOP ! Ta parabole tu peux te la mettre derrière l'oreille. Moi je range mes peaux et je me casse. » Transis de froid, nous imitâmes Thibaut et commencèrent la descente.
La descente était technique malgré la faible pente. La visibilité était nulle et la neige croutée. Descendre était pénible. Les âmes perdues assises sur un télésiège cherchent leur salut à descendre des pistes désenchantées. Ce jour là les bananes le trouvèrent dans le cadre authentique de la traversée héroïque et dans une météo bi-polaire.
Marine et ses Bananas Boys
Les bananes gauloises rentrèrent au gîte pour le traditionnel banquet final. Chacune des bananes mangea un sanglier entier et bu un tonneau de bière. Elles n'eurent pas le temps de ligoter DJ Benotourix que boys, boys, boys était une nouvelle fois aux platines. La fête était lancée. Guidé par les notes de notre barde, le retour d'est se rapprochait de nous. Il faisait chaud, trop chaud. La pluie lessivait la montagne. Le manteau neigeux ne lui survécût pas.
Le lendemain matin la pluie tombait encore. Notre programme n'était pas des plus attractifs. Porter nos skis sur 300m de dénivelé. Continuer skis aux pieds 300m sous la pluie. Se retrouver enfin sous la neige avec des peaux détrempées pour une partie de bottage d'anthologie. Et enfin s'arrêter au bout de 300 m de ski sous la neige pour éviter les plaques à vent. Même les plus affamés d'entre nous n'avait pas envie d'une telle journée. Nous optâmes pour une session de rappel des techniques de mouflage avant de regagner nos pénates.
Révision des techniques de mouflages de bananes
L'épisode 3 des bananes est aussi disponible sur grand écran :
https://m.youtube.com/watch?v=sXp41JGUxME&feature=shared