Semaine ski de rando "Aiguilles rouge - Mont Blanc" du 20 au 27 mars 2022
Le 04.04.2022, par HenripierreB-e76
SE HAUSSER DU COL.
26 mars. 7h30. Au rez de chaussée, terme inadéquat, disons plutôt au niveau bas du refuge Albert premier, c'est la fourmilière, la cohue du départ. On enjambe des sacs pour atteindre le casier de ses affaires, on bouscule des types en équilibre sur une jambe parce qu'ils enfilent leur 'baudart' alors qu'ils ont déjà mis leurs 'chouz', on cherche une place sur un banc pour enfiler ses 'coques'. Merde, où sont mes gants ? Where is my iceax ? Interrogations dans toutes les langues de monnaies fortes. Pourvu que les mecs qui sont partis avant n'aient pas embarqué mes skis. Il y a évidemment un seul chiotte à l'extérieur, dans le vieux refuge pour la cinquantaine de personnes qui ont passé la nuit ici et ont toutes le même besoin -au même moment après le petit dej. Queue impatiente devant le lieu convoité, habilement équipé d'une porte vitrée. C'est l'heure de pointe quoi, comme en bas, en ville. Tous pressés de partir. Dehors, sur l'étroit balcon, d'autres mettent les peaux et encombrent la sortie. Un mec ameute tout le monde parce qu'il ne trouve plus ses couteaux. La colonne s'ébranle enfin. Direction le col des Grands, 3235m, 500m environ au-dessus du refuge, une échancrure dans la crête rocheuse formant frontière avec l'helvétique plateau du Trient. Grand soleil, neige glacée et froid de loup à l'ombre d'un vent matinal. Le col s'avère être une pente d'éboulis en équilibre instable difficilement franchissable par manque de neige. Les trois premiers s'engagent dans la pente, causant une pluie de cailloux. Derrière, la colonne de fourmis hésite et redescend sur le glacier, cherche un autre passage sur ses écrans numérisés. Va pour le col supérieur du Tour. Des bipèdes rencontrés assurent que 'ça passe'. Au sommet de la pente de neige, en se faufilant entre d'énormes cailloux, crampons au pied et skis sur le dos, nous arrivons sur la crête de l'immense champ de neige du Trient. Pause piquenique avec les choucas réclamant leur part du festin. On redescend par le col du Tour ? Sa pente parait scabreuse. Mieux vaut faire marche arrière. Eh, les gars, ya là un couloir de neige 45°/50° et même une sangle et un anneau laissés sur ce rocher pour faire un rappel. Tu crois ? Je suis pas chaud. Si, si. Tu vas voir. Passe la corde, on va vérifier qu'elle est assez longue. Lancer. C'est bon. Tu sais comment on fait pour s'accrocher à la corde ? Je crois bien qu'avec un demi cabestan passé dans l'anneau du baudart, on contrôle la descente. Tu es sûr ? Regarde. Essai concluant. Qui veut commencer ? Derrière la courageuse qui s'avance skis sur le sac et dont l'équipe lorgne la descente intensément en serrant les fesses, la colonne passe. Il est trois heures de l'après-midi. Trop beau et trop tôt pour rentrer au refuge. Si on montait au col suivant ? Le col des Fourches, 3400m. Lui, il est enfin parfaitement skiable, 'débonnaire' comme on dit dans le milieu. Hérissé d'énormes rochers rouges entre lesquels on aperçoit le pays des confédérés. Contrat rempli : 4 cols, un faux, deux bien cravatés, un bien ouvert, on respire. 1100m de dénivelé dans la journée : c'est moins que les 1800m du mont Buet, trois jours avant, mais c'est le minimum syndical, le SMIC du randonneur. On peut redescendre à la fourmilière revoir le mec qui n'a pas retrouvé ses couteaux. Au tableau de chasse de la semaine, nous nous serons aussi haussé du col à la pointe des Arbennes depuis Romme, D+ 1330m, la Pointe Ronde depuis le col de la Forclaz, D+1240, le col des Dards depuis la Flègère, D+ 1000m, le col de la Terrasse, D+1300m, le col de Passon (raide car très amidonné) depuis le sommet des pistes d'Argentière, D+1050m et le col Blanc (un cadre certainement) depuis Albert 1er, D+ 710m. Total 9580m. Caramba, encore raté pour les 10000m ! Plains-toi, avec un soleil pareil c'était Bysance. Merci aux bergers d'avoir organisé ce ratage et conduit la colonne.
Le CAFteur de service, Snowy Allen