Les Lagopèdes Alpins en Haute Clarée, 7 jours en douce mobilité

Le 11.04.2022, par LudivineR-559


Après les deux premiers week-ends bien utiles pour se préparer, se calibrer, se roder et monter en compétences, les Lagopèdes sont fin prêts pour le moment phare, l'apogée de ce cycle perfectionnement : la semaine en étoile en Haute Clarée. L'objectif est de skier 7 jours in situ, immergé en montagne, à partir de 2 refuges différents... et d'y accéder en transport en commun... et de revenir. 

Le premier jour représente, comme les autres fois, le plus grand défi : arriver au refuge et tant qu'à faire, avant le repas du soir. Forts de leur expérience, les Lagopèdes optimisés montent dans un train à Part Dieu à 6h50, direction Modane. L'heure de correspondance en Maurienne offre un café au soleil avant de prendre le bus pour Briançon. Le passage de la frontière italo-française permet un petit échange imprévu avec les douanes françaises, assez conciliantes ["vous n'avez pas de carte d'identité... vous habitez où ?" À Lyon. "Ok"]. L'attente à Briançon avant la navette pour Névache offre une pause détente face au soleil printanier. Puis l'heure de départ arrive... puis l'heure de départ est dépassée... puis l'heure de départ est franchement dépassée... toujours pas de navette. Un Lagopède appelle le transporteur pour aller à la pêche aux infos : "vous voulez prendre la navette de 13h30 ? Vous avez réservé ? Parce que si vous ne le l'avez pas fait, elle ne passe pas." Ah.... "La prochaine est à 18h, vous voulez réserver ?" Euh oui... Et là s'ensuit un véritable ballet téléphonique : l'une appelle le refuge pour leur dire qu'on ne sera pas à l'heure pour la soupe, deux autres tentent tous les numéros de taxi de Briançon, au cas où. Personne n'a de place mais tout le monde appelle quelqu'un d'autre pour chercher une solution... Au fur et à mesure, des pistes tombent à l'eau et d'autres pistes s'ouvrent... En attendant, nous décidons d'aller nous poser au centre ville de Briançon. Sur le trajet, nous croisons un taxi qui dépose des clients et nous lui demandons par hasard s'il est dispo. Lui, oui, mais il n'a pas de véhicule de la bonne taille. Il appelle son entreprise (le transporteur qui gère la navette) et là, un miracle : un véhicule 9 places vient tout juste d'arriver à Briançon, il peut nous emmener à Névache. La mobilité douce, c'est en fait la mobilité qui apprend à être zen, à ne jamais perdre espoir... Nous partons finalement de Névache à 15 heures, et arrivons, grâce à une montée moitié à pied, moitié à ski, moitié en glace, au refuge du Ricou, juste avant la nuit et avant le repas du soir (fort bon d'ailleurs) ! Nous sommes dans la place, la semaine en Haute Clarée va pouvoir commencer. 

Après une nuit à 2200 mètres d'altitude, nous partons pour notre premier sommet, celui au-dessus du refuge pour se mettre en jambes. Le Pic du Lac Blanc est atteint, moyennant une sortie des couteaux dans la pente terminale. Le beau panorama nous permet de jeter un oeil aux sommets alentours qui constituent notre catalogue des possibilités pour la semaine. L'analyse de l'enneigement assez variable nous permet d'écarter quelques idées, dont la descente du Pic du Lac Blanc côté nord-ouest, bien fournie en cailloux. Nous partons donc côté sud, côté soleil, et profitons de l'assouplissement de la neige en surface pour faire des virages moquette agréables. Histoire de bien reprendre ses marques pour la semaine, nous enchaînons après le pique-nique sur un exercice de recherche de DVA en sous-groupe. Chaque équipe prépare ainsi le terrain pour l'autre. Les scénarios se complexifient : un témoin paniqué particulièrement ingérable (les Lagopèdes sont aussi bien impliqués dans le jeu d'acteur), 3 DVA enfouis... Enfin, nous terminons la journée par un petit jeu de piste : trouver la piste de neige au milieu des zones herbeuses et caillouteuses à l'approche du refuge. 

Gonflés à bloc suite à ce premier jour d'acclimatation et de prise de contact avec le terrain, nous visons le lendemain le sommet d'à-côté, un peu plus au nord, le Rocher de la Petite Tempête. Le col est facilement atteint grâce à une bonne analyse cartographique. Les Lagopèdes optimisent la trace et prennent même la liberté de faire chacun son expérience dans la montée finale. Il y a de la place pour créer sa propre trace, sentir les différents types de neige, minimiser le nombre de conversions ou bien tester les limites d'adhérence dans la pente... Une fois le col atteint, nous partons pour une initiation en crampons sur la crête en direction du Rocher de la Petite Tempête. C'est l'occasion d'apprendre le maniement du piolet, des crampons et d'avoir une belle vue aérienne des deux côtés de la crête, dans cette douce tempête de ciel bleu. L'investissement sans faille d'un Lagopède l'amènera à vérifier l'affûtage de ses crampons. Résultat : ça coupe (petite estafilade sur le mollet). Cela n'empêchera pas de remettre les peaux au retour pour un petit bonus par la crête de la Cula, et retrouver ainsi la combe des Gardioles de la veille et sa neige agréable connue. 

Odacieux, nos ambitions s'élèvent le jour suivant : notre objectif est cette fois-ci le Rocher de la Grande Tempête, en traversée, pour ensuite accéder au refuge des Drayères. Après le passage en couteaux du col, nous nous engageons dans la face finale selon deux méthodes (au choix) : skis et couteaux, avec quelques conversions assez raides ou bien crampons, droit dans le pentu. Les deux techniques sur ce terrain sont de nouvelles expériences pour les Lagopèdes qui grimpent vaillamment. Les crampons font même pousser des ailes à certaine. L'accès au sommet à la toute fin se fait à pied au sec sur le chemin d'été, déneigé par le vent. Ce n'est pas le Rocher de la Grande Tempête pour rien ! Même si nous oublions très vite l'existence de conditions hostiles et mouvementées en montagne après ces 3 jours de grand beau temps. Nous redescendons par le joli vallon des Muandes bien skiant, sourire aux lèvres, pour atterrir au refuge des Drayères. 

Prudents et prévoyants, nous décidons le lendemain de faire une journée plus courte afin de garder des plumes pour la fin de la semaine. Nous suivons un itinéraire très esthétique qui promet un beau voyage : petite descente dans la vallée de la Clarée, traversée de la rivière bouillonnante dans un petit goulet sauvage, remontée rive droite au lac des Béraudes pour faire le tour de la crête de Moutouze. L'environnement est grandiose, dominé par un défilé d'aiguilles : la Pointe de Béraudes, les Rochers de la Moulinière, la Pointe (culminante) des Cerces et la Main de Crépin. Après un pique-nique en contrebas du lac du Sorcier, nous descendons par le vallon des Sagnes. La neige de qualité et le cadre majestueux laisseront entendre le célèbre chant du Lagopède heureux. Nous terminons notre voyage du jour en remettant les peaux et coupant intelligemment au Travers des Vignes pour finir en descente au refuge.  

Encore plein d'énergie, nous partons le lendemain à l'assaut de Roche Château. Malgré son nom guerrier et la présence d'un régiment de la Légion étrangère en formation sur notre itinéraire, la montée est clémente, conviviale et efficace. Au sommet, nous admirons le panorama à 360, à nouveau époustouflant, du Mont Blanc aux Ecrins en passant par les Aiguilles d'Arves et le Pic du Thabor. Sous nos yeux apparaît le parcours de notre voyage précédent, réalisé pendant le deuxième week-end du cycle, magique. Nous partons sur une boucle en descendant dans la combe déserte de la Vallette pour ensuite revenir par le col de l'Aiguille Noire. Ce beau passage découpé nécessite de ressortir les crampons. Les Lagopèdes Alpins maintenant initiés négocient parfaitement ce passage technique. Une forêt d'aiguilles de toutes tailles nous entoure jusqu'au col. S'ensuit une belle descente de douce moquette pour rejoindre le refuge. Le chant du Lagopède joyeux se fait à nouveau entendre. 

Dernier jour, il est temps de rentrer et d'entamer le trajet de retour. Grâce à la flexibilité de la mobilité douce, nous ne sommes pas tenus de revenir à notre point de départ (Névache) par la vallée de la Clarée déneigée. Nous pensons finir en beauté notre périple en faisant le tour de la Pointe des Cerces pour arriver au Pont de l'Alpe, directement sur le trajet du bus Briançon/Grenoble. Après 6 jours de grand beau temps, ciel 100 % bleu, niveau de risque à 1 (à tel point qu'on ne pense même plus à regarder la météo d'un jour sur l'autre), nous redécouvrons la montagne et son tempérament. Un vent bien intense nous cueille dès la traversée du premier lac, le lac Rond. Coincés entre de hauts sommets de chaque côté, et bien alignés entre le seuil et le col des Rochilles, en plein courant d'air, ça vous défrise un Lagopède... Le vent nous accompagne au col des Cerces et persiste dans la descente au lac éponyme. Nous continuons de braver les intempéries dans le chaos au pied du Rocher de la Sauma, en étant particulièrement vigilants vis-à-vis des structures de plaques formées par le vent à cet endroit. Heureusement, la montée sur la crête de Ponsonnière est plutôt abritée. Nous franchissons cette barrière et entamons notre dernière descente de la semaine qui s'avère... euh... mémorable. Contrairement aux jours précédents ensoleillés qui offraient une neige décaillée dès la mi-journée, nous pouvons constater que ce temps couvert et venté n'apporte aucune douceur à la neige... Celle-ci reste bien gelée et complètement trafollée par les nombreux passages et les effets du vent depuis les dernières chutes de neige qui remontent à plusieurs semaines. Il s'agit donc d'une descente 4x4 qui offre un massage vibrant gratuit et complet : toute la chaîne musculaire des jambes y a droit et les chaussettes se retrouvent au fond des chaussures. Etonnamment, les deux pantalons déjà en piteux état, munis d'aérations absentes dans la version en sortie d'usine, ont résisté à cette dernière épreuve. Nous sommes finalement plutôt contents de retrouver l'herbe pour les 100 derniers mètres. Arrivant en avance sur le bus Briançon/Grenoble, nous expérimentons un nouveau moyen de transport pour le retour : la voiture inopinée avec chauffeur ou dit autrement, le stop. La route du Lautaret étant sans doute assez fréquentée par des sympathisants montagne, ce moyen de transport s'avère d'une redoutable efficacité (même avec des skis, des chaussures de ski, un piolet et des vêtements portés 7 jours !!). Et c'est l'occasion de rencontres étonnantes... un Lagopède se souviendra d'un chien particulièrement affectueux en manque de contact. 

Et ainsi s'achève le cycle perfectionnement des Lagopèdes Alpins, dorénavant bien aptes à prendre leur envol vers d'autres aventures en ski doux....

 

Exercice DVA sous observation

Appropriation du terrain

Appropriation des crampons au Rocher de la Petite Tempête

Traversée du col de la Grande Tempête

Les Lagopèdes Alpins au Rocher de la Grande Tempête

Tour de la crête de Moutouze (à la montée)

Banc taillé pour le déjeuner

Tour la crête de Moutouze (à la descente)

Ecrins et aiguilles d'Arves depuis Roche Château

Tentative d'envol d'une Lagopède

Envol en crampons vers le col de l'Aiguille Noire

Encore plus haut ?...


 

Le Club Alpin Français de Lyon, fondé en 1876, est une association loi de 1901 et fait partie de la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne (FFCAM).
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