La traversée intégrale des 3 Becs – Drôme – du nord au sud-est n'est pour ainsi dire jamais programmée au club. Qu'à-cela-ne-tienne, allons-y !
Col des Rechats >> Col de la Chaudière, 1500m de dénivelé au total : avec un grand groupe de randonneurs aguerris, il nous faudra 6h30, pique-nique et pauses comprises.
"En avril, ne te découvre pas d'un fil" dit le proverbe. Cela s'est bien verifié hier. En revanche en avril, c'est le moment de l'année où la lumière et la nature printanière sont les plus vives et tendres. Rien de mieux pour égayer l'environnement rocheux abrupt ; nous avons été gâtés, comme en a témoignera l'enthousiasme général.
Abrités du vent, nous suivons un premier objectif : le Pas de la Motte qui demande 1h30 de montée soutenue (500m >> 1170m). Nous sommes accueillis par une magnifique forêt de hêtres qui reçoit le soleil à travers ses jeunes feuilles vert tendre. Les premières orchidées de la saison sont sorties.
Dans cette Forêt domaniale de l'Aup d'énormes charbonnières ont élu domicile muséal, fières de transmettre à nos générations des preuves du patrimoine « industriel » d'époque ancienne. A mon regret, il n’est pas facile de trouver des informations historiques sur ces imposants chaudrons de la commune de Chastel-Arnaud, hameau des Auberts, mais nous savons que dans le Vercors au nord et la forêt de Saoû au sud, il existait une forte activité de charbonniers.
Charbonnières de la Forêt domaniale de l'Aup sous le Pas de la Motte
Là-haut au Pas de la Motte, alors que nous rejoignons la bordure de falaise, les grandes rafales de vent se manifestent plus violemment, signe pour nous de redoubler de prudence et répéter les instructions de sécurité. Les premières vues spectaculaires émerveillent les randonneurs qui viennent là pour la première fois, mais les autres ne sont pas blasés.
A partir de là, un parcours sportif en montagnes russes nous attend, alternant petits cols et sommets - c’est la caractéristique des Trois Becs. Nous passons le Pas des Auberts (à ne pas confondre avec le col éponyme, plus loin). Il fait froid ; un petit pique-nique rapide dans la hêtraie avec vue sur le village de Saillans nous fera du bien. Puis nous atteignons le Rocher de la Laveuse – LE rocher légendaire et photogénique des Trois Becs - avec son grand trou en amande qui offre une vue plongeante sur Saillans.
Le Rocher de la Laveuse
Nous franchissons le Col des Auberts, puis nous voilà partis enfin pour les 3 sommets. Il fait de plus en plus froid car le vent forcit au fil des heures, les nuages avancent à vitesse grand-V, mais heureusement le soleil est là le plus souvent. Premier sommet à l’envers : Roche Courbe (1545 m), impressionnante falaise verticale qu’il va falloir gravir…. côté facile… mais son sommet se mérite tout de même après une belle descente dans un creux.
Roche Courbe
Au passage de la Picourère, un panneau signalétique nous apprend qu’il existe un sentier difficile venant de la route en bas, réservé aux randonneurs expérimentés, voire déconseillé d’après un article. Tiens-donc d’où vient cette randonneuse ?
Passage de la Picourère
Nous attaquons la montée au 2e bec, Le Signal (1559 m), joli sommet où nous nous attarderons car il offre une vue imprenable sur le remarquable et célèbre « synclinal perché » de la forêt de Saoû, le plus beau d’Europe. Occasion pour nous de nous interroger sur ce phénomène géologique toujours difficile à expliquer, lié à des plissements et des poussées géologiques complexes dans cette roche calcaire. Il en résulte un immense vaisseau suspendu creusé d’un vallon central. Espace isolé et protégé, il abrite une grande forêt longtemps surexploitée mais désormais classée, ainsi qu’une flore et une faune riches. Depuis notre altitude perchée, l’éclairage du jour fait d’ombres et de lumières qui alternent comme des rideaux bousculés par le vent, la met particulièrement en valeur. Les admirateurs sont là.
Au loin, le « synclinal perché » de la forêt de Saoû
Au nord, les sommets du Vercors et du Dévoluy - Grand Veymont, Obiou, Grand Ferrand…- n’ont pas encore perdu leur manteau blanc, surtout depuis les récentes chutes de neige.
Vercors et Devoluy au loin
Enfin nous atteignons notre 3e sommet qui en réalité est le premier et principal sommet des Trois Becs : Le Veyou (1589 m). Les blagues vont bon train là-haut, mais on n’a même pas le loisir de faire une petite sieste sur ce sommet où il fait souvent si chaud.
Descente du Signal
Du Veyou, la descente nous aspire vers le Pas de Siara sur un sentier boulevard rénové ces dernières années, fait de grandes marches de calcaire qui nous présentent leur patine. Le chemin nous embarque dans une véritable tempête de vent orientée contre nous – heureusement sinon c’est le précipice ! Nous nous couchons vers la pente herbeuse pour nous protéger en attendant une accalmie. Accalmie qui ne vient pas, raison de plus pour reprendre les grandes marches descendantes et nous éloigner de cette tempête glaçante.
Au pas de Siara (1295 m) en contrebas, enfin tout se calme subitement, et sur le sentier de descente vers le Col de la Chaudière nous retrouvons la chaleur méridionale de la Drôme après cette journée rafraîchissante dans de grands espaces ventés. Au retour vers Lyon, en ce temps d'averses, un double cadeau du ciel apparaît à travers une vitre.
Les Trois Becs restent une belle ascension qui donne envie d’être réalisée l’hiver, mais pour cela, faire appel aux encadrants de rando alpine et lire en PS les recommandations d’un passionné.
Brigitte, avril 2025
https://www.carnetsderando.net/la-trilogie-des-trois-becs-en-hiver-2eme-partie/