Imaginez : une falaise côtière orientée ouest, s'étendant sur deux bons kilomètres, regorgeant de couennes au rocher sculpté, accessibles par le bas en marchant le long de la mer. Et le soir, après une petite marche de retour ou maximum 15 min de voiture, vous rejoignez votre gîte pour vous réhydrater avec un spritz. Oui, c'est bien la dolce vita qui vous attend à San Vito Lo Capo !
La réclame est un peu exagérée, mais les 14 participants de cette semaine d'escalade sont tous revenus enchantés. Le site est facilement accessible depuis Lyon, car il suffit d' 1h45 d'avion et d'1h30 de voiture pour rejoindre la petite station balnéaire. Nous sommes partis en avril, et nous n'avons pas eu à nous plaindre du temps malgré la météo pessimiste (et changeante, comme souvent en bord de mer). Nous avons anticipé le mauvais temps du lundi pour faire un jour « off », et la petite averse le dernier jour n'a presque pas mouillé le rocher. Nous avons souvent grimpé bien habillés, mais dès que le soleil était présent la chaleur était agréable, ce qui nous fait penser que la date était bien choisie. Nous avons croisé quelques groupes (italiens et allemands souvents), mais nous n'avons jamais eu de problème à trouver des voies libres à cette période. Le rocher est du calcaire, jaune / orange, avec de belles prises variées type calanques (écailles, trous, mono ou bidoigts, ...), très sculpté par l' érosion, et souvent abrasif comme du papier de verre ! On dit alors qu'on grimpe sur des picots, du velcro, du lapiaz, du hérisson, des gouttes d'eau, de la peau de dragon, tout dépend de l'imagination ! Les pas de pied en adhérence prennent tout leur sens ; par contre, les prises s'impriment douloureusement en relief sur les mains, et prélèvent leur dû d'épiderme. Au bout d'une semaine on en vient à regretter un beau plat bien patiné ! En haut des voies, on trouve souvent une queue de cochon plus un point avec son maillon rapide. Par sécurité, pour installer une moulinette nous passions la corde dans la queue de cochon et dans le maillon rapide afin d'avoir deux points d'assurage. Les voies sont globalement bien équipées.
Nous avons visité 5 secteurs sur cette falaise, et il restait encore des secteurs qui nous intéressaient (en gros avec des couennes 5c à 6c, d'au moins 20m), c'est dire le potentiel du site. Nous n'avons pas exploré les falaises proches, en particulier il y a le Monte Monaco qui offre des grandes voies dominant San Vito (prévoir du matériel de trad). On peut acheter le topo papier à l'avance sur internet, sinon se rendre au YMCA de San Vito : c'est une sorte de bureau des guides, vendant du matériel de sport outdoor et... des bières fraîches. Ne pas s'attendre à l'ambiance de la chanson des Village People !
Samedi, nous avons attaqué par le secteur Bunker, gauche et central. On retient « A chardonnay cowboy » 6b, avec une faille suffisamment large pour pouvoir s'asseoir dedans. Sauf qu'il devient alors impossible de monter ! Il faut ressortir pour placer les pieds de part et d'autre de la faille, il y a un peu de gaz. On se finit sur la moulinette de « Intermezzo », où le crux demande une bonne lecture.
Dimanche, nous allons sur le secteur Calamancina 4 pour s'échauffer le matin et Calamancina 1 l'après midi. Entre les deux, il y a « Jammin' in the name of the lord » 6a+, une voie magnifique ! Sauter le premier relais (probablement devenu inutile suite au rajout des points suivants) pour monter dans un dièdre jusqu'au relais. On retient « Slay back » 6b : après une fissure un peu vilaine, on coutourne un gros volume puis on monte dessus, il y a du gaz ! Dans « Gratticola » 6b+, on apprend à grattonner sur des picots pendant 3 dégaines. On se finit sur la moulinette de « Bean me up Scottie » 7a. Le pas difficile est légèrement déversant, ce qui ne facilite pas le travail en mouli.
Lundi, le groupe est scindé en deux ateliers : « rando à la réserve Zingaro » et « visite culturelle du village médiéval Erice et des caves de Marsala » ; avec un atelier commun « dégustation de cannoli (patisserie sicilienne, un peu lourde toutefois !) ». Il faut noter que le patrimoine culturel de la Sicile est plutôt situé de l'autre côté de l'île, donc trop loin pour une visite à la journée.
Mardi, nous allons à CampoBase. Anouk lutte pour faire « Bianco » 6c, et on comprend pourquoi : on se retrouve les bras écartés sur deux petites prises complètement opposées, pour aller chercher un bac bien plus haut. En plus les points sont mal placés. On retient « Ladri di moschettoni » 6b très belle et pas très dure. Dans l'ensemble les voies de ce secteur sont un peu surcotées. On se finit sur la moulinette de « Passpartout » 6c/7a, avec un pas très particulier. On chemine quasi accroupi sur une petite vire en s'aidant d'un monodoigt, puis on prend quelques petites prises intermédiaires avant de trouver un bac main gauche.
Mercredi, nous allons à Pineta, central et droite. Un secteur avec beaucoup d'arêtes ! On retient « Via della grotta » 6b, sympa car elle longe une grotte. Attention à rallonger des points pour limiter le tirage, et à la traversée en partie haute. « Finale grande » 6b+ est très belle, le nom incite à garder de la réserve pour le haut de la voie. Marie-France prend ses marques en mouli dans « Forza » 6c, puis la refait en tête ! Cette voie posera quelques soucis de lecture à d'autres, en particulier pour un pas exposé au dessus d'une vire. « Straight into heaven » 6b est un must pour ceux qui aiment le rocher sculpté !
Jeudi, nous allons à Seagull. « Diagonale » 6b+ est franchement à part. Après une traversée un peu hasardeuse, on grimpe sur une strate inclinée en diagonale, ce qui fait qu'on est sur de la dalle inclinée ! Mais rien de difficile car on trouve de bonnes mains côté falaise, la cotation est un peu exagérée. Discussion imaginaire à la redescente de « Hanging tough » 6b+ :
Marie-France : - Comment tu as passé le surplomb ?
Marc : - Bah, tu prends une crougne main droite, une crougne main gauche, après tu te hisses sur des petites crougnes et tu chopes le bac.
Alain : - Et le bidoigt ?
Marc : - Quel bidoigt ? Y avait pas besoin ?
Alain : - Mais c'est pas possible d'être aussi grand ! En étant aussi grand tu devrais faire du 8 !
La particularité de ce secteur, c'est qu'il y a deux vires intermédiaires d'où partent de belles couennes. L'une de ces vires est accessibles par du 3, sans encordage quand on a l'habitude de la montagne comme Valérie. On peut faire une jolie voie en enchaînant une 5b et une 6b (voies 8 à 14 sur le topo), mais gare au tirage même en posant des sangles. Anouk est déchainée ce dernier jour : « Breaktime » 6b+, « 9 O'clock on the moon » 6b, très esthétiques vues d'en bas. Enfin, pour montrer qui est le patron, Alain monte la corde dans « Barracuda » 7a. C'est une belle voie, conti, avec un pas démentiel sous un volume (la solution réside peut être dans une prise éloignée sur la droite, sans certitude...). Surprise au retour de cette dernière journée : malgré notre demande, la propriétaire du gîte n'a pas fait remplir la cuve d'eau de la maison (il n'y a pas de réseau d 'eau de ville dans ce quartier excentré) ! Les plus motivés se décrassent avec une casserole d'eau minérale chauffée sur le gaz, les autres attendent que la citerne arrive, heureusement pas trop tard.
En bref, un peu de soleil, quelques bons petits plats cuisinés maison, pas mal de grimpe et beaucoup de bonne humeur : un super séjour signé Alain et Marie-France ! Merci et à eux, et à tous les participants pour leur implication dans l'organisation.
San Vito La Capo
Anouk en plein effort (6B)
Thanh dans un 6A+ des familles...
Le groupe de mafioso !
Texte de Guilhem photos de tous